Florule
de Vauclaix
A
propos de quelques fougères
de nos villages, bois et chemins
Lambiance
humide du Morvan (environ 1 mètre de précipitations par an à Vauclaix) et la nature acide du sol
(liée à une roche mère granitique) permettent aux fougères dêtre
bien représentées dans notre paysage rural.
Elles sont implantées dans les milieux les plus divers : elles envahissent
les prés abandonnés (Fougère
aigle), forment des colonies dans nos sous bois (Fougère
aigle, Fougère mâle,
Fougère des Chartreux)
ou en bordure des ruisseaux (Fougère
femelle), certaines espèces sont même capables de saccrocher
aux murailles ou aux blocs de rochers (Capillaire des murailles,
Fausse capillaire,
Polypode vulgaire) ou de
coloniser les berges inondées des étangs (Prêle des eaux).
Dautres peuvent coloniser des milieux fortement perturbés par
lhomme comme les jardins, les friches, les chemins agricoles, les gares
(Prêle des champs)
(Hors du Morvan, certaines fougères spécialisées peuvent flotter dans
leau (Salvinie nageante, Azolla) ceci, en association avec
les lentilles deau).
Dans
le Morvan ont peut distinguer au moins 30 espèces de fougères
différentes. Quatre sont extrêmement rares et sont protégées
comme cest le cas pour la Lycopodielle
inondée dont les quelques individus connus de Bourgogne sont
localisés dans une tourbière (Saint Agnan). La Lycopodielle est capable
de coloniser des milieux acides constamment alimentés en eau, ceci grâce à
lintervention dune algue bleue qui est nécessaire au cycle reproducteur
de cette petite fougère et prépare linstallation dune tourbière.
Les
fougères sont apparues
relativement tôt dans lévolution végétale (il y a environ 370 millions
dannées).
Elles se différencient des mousses qui les précèdent
dans lévolution, par la présence de faisceaux ligneux qui conduisent
la sève. Les mousses beaucoup plus rudimentaires ne disposent
pas de tissus vascularisés ni de cellules végétales différenciées.
Les fougères ont donc été les premières à constituer des architectures végétales complexes
qui furent à lorigine des premiers écosystèmes forestiers du globe
(forêts du Carbonifère à base de fougères arborescentes). Par la vascularisation de leurs tissus,
elles préfigurent les conifères,
premières plantes
à graines, puis les plantes
à fleurs qui sont apparues ensuite.
La
reproduction des fougères est également très particulière
puisque ces dernières se caractérisent
par labsence de graines. Les fougères
libèrent des spores, minuscule poussière contenue dans des sacs appelés
sporanges. Ces sacs sont rassemblés sous forme de masses brunâtres
(par exemple Fougère mâle, Polypode vulgaire) situées soit sous la face inférieure
des feuilles soit dans des organes spécifiques distincts (épis de sporange
chez les Prêles ou lOsmonde royale). Si les conditions le permettent
(humidité du sol par exemple) les spores germeront pour donner
forme à un individu minuscule
en forme de petite coupelle (pas plus de 1 centimètre) appelé Prothalle.
Il libèrera des cellules mâles et femelles qui se rencontreront dans leau contenue dans le centre de la coupelle.
La fusion de ces deux cellules donnera lieu à un embryon dont
les cellules se multiplieront et finiront par donner... une fougère !
Fougère
mâle et Fougère femelle
Contrairement
à ce que leur nom laisse croire, il sagit en réalité de deux
espèces totalement différentes. Il ny a pas de pieds mâles et femelles ;
en effet les fougères que lon voit sont tout simplement asexuées
et seul le thalle dispose de cellules sexuées.
La
fougère mâle
est la plus commune des deux, elle colonise nos sous bois, nos haies
et nos talus et pieds de murs sur sols assez frais à bonne réserve en eau,
assez riches et pas trop acides. Elle est assez grande et ses feuilles (ou
frondes) partent toutes dune tige souterraine en formant
de grandes rosettes.
Les frondes de forme générale allongée, lancéolées sont divisées en pennes
dentées à lobes arrondis. Les sporanges apparaissent dans le
cours de lété et son situées à la face inférieure des feuilles.
La tige souterraine est utilisée en pharmacopée
dans le traitement contre le ténia et fut utilisée autrefois dans le
Morvan comme paillasse pour les bébés (CROSNIER, 1998).
La
fougère femelle
est moins commune tout en restant largement répandue en Morvan
notamment en bord des rivières et des ruisseaux et dans les sous
bois humides à franchement marécageux.
Cette fougère de port général semblable à lespèce précédente se différencie
par des divisions (pennes) en lobes qui se divisent encore.
Ces
deux fougères peuvent se confondre avec le Dryoptéris
des chartreux, le Dryoptéris dilaté
et surtout le Dryoptéris
écailleux, plus ou moins abondants dans nos sous bois
et bouchures.
Le
Polypode vulgaire
se reconnaît par ses longues feuilles (ou frondes) profondément
divisées en segments oblongs lancéolés et alternes qui partent dun
rhizome puissant formant ainsi des colonies. Les sacs de sporanges
sont disposés à la face inférieure des feuilles.
Son rhizome contient de la Glycyrrhizine, principe
actif contenu dans le réglisse doù lui vient le nom de réglisse
des bois. Il est utilisé pour traiter
la constipation, les bronchites, les voies urinaires, les problèmes de foie,
les gingivites, etc.
Ses
frondes sont caractérisées par un axe central brun foncé à noir
semblable à un cheveu qui porte des divisions en forme de petites feuilles
arrondies et finement dentées. La plante, naturellement
présente dans les fentes des parois rocheuses naturelles, a
trouvé dans les fentes de nos vieux murs un autre habitat
de prédilection.
Elle est souvent associée à sa cousine botanique la Capillaire
des murailles et au Polypode vulgaire.
Cest
avec lOsmonde
royale lune des plus grandes fougères de nos contrées :
son rhizome longuement traçant émet de grandes frondes triangulaires
3 ou 4 fois divisées. Les sporanges sont situés sur les bords des divisions.
Cest
une fougère à large amplitude écologique qui peut former de véritables
tapis dans les prairies abandonnées, les lisières, les coupes forestières
et les forêts claires en conditions mi-sèche à humide. Elle régresse
si le boisement devient trop dense et indique une certaine
acidité du sol.
Dans certaines régions elle est utilisée comme
litière pour le bétail.
Par contre elle se révèle toxique et cancérigène pour lhomme
et le bétail (il faut éviter de la couper pendant la période
ou elle émet ses spores, entre juillet
et octobre).
Coupée jeune (mai/juin) elle fournit un excellent
compost et un bon mulch.
Cette
espèce à large amplitude écologique peut se trouver dans les
bois, les prairies, les friches les chemins, les fossés, etc. Elle indique
des sols souvent lourds et tassés à bonne rétention
deau.
Son
rhizome à la particularité démettre au début du printemps
une tige fertile de couleur brun- rougeâtre qui porte un épi
chargé de spores. Les tiges stériles vertes semblables à des sapins
miniatures apparaîtrons trois ou quatre semaines plus tard.
Cette
plante riche en silice a été mise à profit autrefois pour laver
la vaisselle (à lorigine du nom « dherbe à récurer ») et sa préparation en décoction
permet de lutter contre les maladies cryptogamiques. Cette « mauvaise »
herbe du jardin, dotée dun vigoureux rhizome, difficile à éliminer,
peut se révéler être un précieux auxiliaire du jardinier.
Plusieurs
prêles sont présentes dans les milieux naturels du Morvan
(Prêle
palustre, Prêle des eaux et beaucoup
plus rarement Prêle
sylvatique).
Conclusion
Les
fougères inféodées des milieux très divers jouent un rôle parfois
important dans leur fonctionnement.
Parfois
envahissantes elles peuvent se révéler très utiles à lhomme
(usage pharmaceutique, usage technologique).
Noublions
pas que les fougères dhier (les forêts entières de fougères fossilisées
du Carbonifère) sont à lorigine des gisements de pétrole
et de charbons.
Ces
gisements ont permis les révolutions industrielles du siècle
dernier puis le développement dun modèle de civilisation occidental
basé sur le moteur à explosion (avec tous les risques que cela
comporte en terme déquilibre planétaire tant écologique
que social).
Remercions
les fougères pour cette leçon dhumilité et évitons leur
disparition du fait de la destruction de leur écosystème.
Sylvain
Bellenfant
RAMEAU,
J.C., MANSION D., DUME G. 1989 Flore forestière Française, Guide écologique
illustré. Tome 1 Plaine et collines. Institut pour le développement forestier.
Paris ; 1785 p.
Description,
excellentes illustrations et descriptions qui aident à identifier la majorité
des fougères de nos sous bois.
CROSNIER
C., 1998 La cueillette des savoirs Les usages du végétal Morvan
- Bourgogne. PNR du Morvan ; 128 p.
Livre édité suite à une thèse élaborée par lauteur sur le sujet pour
connaître certains usages passé ou actuel concernant les fougères et bien
dautres plantes en Morvan.
PARC
NATUREL REGIONAL DU MORVAN - Informations
botaniques sur le site internet :
Pour
découvrir de manière pédagogique les plantes du Morvan et leurs milieux, première
synthèse en ligne sur les plantes du Morvan.